Acte I scène 3: En Arden

Selene observa Ellipse contacter son Oncle comme sa mère l'avait fait quelque temps plus tôt. Quand la jeune demoiselle en rouge lui tendit la main, elle la pris non sans une certaine hésitation. Elle la suivit et quitta en un instant le restaurant luxueux pour se retrouver au cœur de la forêt, et quelle forêt !!! Lachant la main de sa cousine, elle retint une profonde envie d'éclater de rire et de ses rouler dans l'herbe fraiche qui s'étendait osus leurs pieds. Elle sentait tout autour d'elle battre la vie, dans les arbres, les sous-bois et les animaux qui proliféraient alentour.

Dans un état second, elle reconnut son Oncle mystérieux, remarqua son visage qui semblait creusé, encore plus sombre que la dernière fois qu'elle l'avait vu. Il parla, mais elle 'entendit à peine, plongée comme elle l'était dans l'observation de son environnement. Julian partit sur son puissant destrier, celui-là même sur lequel elle avait chevauché à ses cotés durant leur nuit de fuite.

La clairière au milieu de la quelle se dressaient les tentes exaltait mille et unes odeurs, toutes plus riches et plus suaves les unes que les autres. Les chants des oiseaux et le bruit d'une petite cascade en sous-bois finissaient le charmant tableau.

"C'est trop beau pour être vrai" pensa Selene.

Elle entrepris de faire doucement le tour de la clairière, sa main caressant les arbres, et écoutant le chant mélodieux de la nature. Comme les machinations familiales lui semblaient lointaines et futiles dans un endroit si paradisiaque.

Selene se retourna brusquement en entendant la voix d'Ellipse. Elle éclate de rire quand elle l'aperçut perché sur les arbres. La jeune femme paraissait se déplacer dans les branchages avec l'agilité d'un singe. Selene ne s'était certes pas attendu à cela de la part de sa rouge cousine. Bien vite elle disparut à travers les arbres.

Toujours au pied d'un chène Selene se demanda comment elle avait fait pour grimper si vite et pour se déplacer là haut avec tant d'aisance. Elle passa sa main sur le tronc, l'écorce était lisse et les prises difficiles. Elle jetta un nouveau un oeil à travers les cimes mais sa cousine avait belle et bien disparu.

Se retournant, Selene regarda sa mère qui était restée seule au milieu de la clairière. Après tout c'était le moment opportun de lui parler. Elle avait des questions à lui poser avant le retour de son Oncle et elle ne savait pas quand elle aurait l'occasion de la revoir seule à seule.

Mais encore une fois, elle se demandait par où commencer ? Certaines question la taraudaient depuis si longtemps qu'elles étaient devenues de confortables compagnes. De plus elle craignait parfois même d'en entendre les réponses. Elle se demandait aussi dans quelle mesure sa génitrice serait franche avec elle, et combien de "Charles" elle cachait encore dans ses manches.

Elle s'avança doucement vers le centre de la clairière. L'air était doux, le vent emmêlait ses cheveux. Le temps prêtait plus à un pique-nique familial ou à une ballade en amoureux qu'à la discussion qu'elle s'apprêtait à avoir. Malgré la chaleur ambiante elle ne pu réprimer un frisson, devant le regard de la femme qui lui faisait face.

Elle se figea, debout face à Flora.

"Mère, commença-t-elle doucement, pourquoi ? Pourquoi m'avoir tenu dans l'ignorance de tout cela ? De ma famille ? De mes origines ? De vous, même ?"

Son regard était clair, ses yeux grand ouverts ne trahissaient ni larmes, ni remord, ni regret. Elle n'attendait pas un pardon ou une justification quelconque mais juste une explication. Elle voulait comprendre.

"Dans ce cas, pardonnez mes manières fort peu ambriennes, mais j'irai directement à l'essentiel ! "

La jeune femme s'installa ensuite dans l'herbe, étalant soigneusement sa longue jupe autour d'elle, ses jambes ramenées sur le coté et masquées par le lourd tissu. Bien que sa mère fut debout à ses cotés, sa position ne trahissait ni sentiment d'infériorité, ni de soumission... Elle leva ses yeux vers sa mère, lui envoyant un regard franc et direct.

"Si j'ai bien retenu les leçon de Magus, je ne peux pas accorder ma confiance facilement à aucun membre de la famille. Mais...y'at-il quelqu'un ou quelque chose dont je doive spécialement me méfier lors de mon séjour en ces terres ?"

Autant connaitre ses ennemis, même si elle savait d'expérience que les amis peuvent être bien plus dangereux.

Si nous avons le temps, j'aimerai également que vous me parliez de la Marelle.

C'était la clé de son héritage, elle le savait, mais elle voulait à tous prix rassembler le plus d'information possible avant d'être confrontée à l'épreuve. Elle voulait surtout entendre la version de sa mère.

Quand au reste, qui nous a attaqué cette nuit là ? pourquoi ? quelsle est exactement l'étendue des pouvoir des membres de la famille ? Je trouverai bien les réponses par moi-même.

Et si vous ne voulez pas me répondre, dites le moi directement mais évitez de me sortir un autre... "Charles".... de votre chapeau. finit-elle avec un sourire et un petit geste de la main.

Selene attendit sagement que sa mère se décide à parler, appréciant la douceur de l'air ambiant et le coté onirique de la clairière qui les entourait. Elle écouta ses réponses sans l'interrompre, ni la quitter du regard. Quand elle se tut, Selene attendit un moment et quand elle fut certaine que sa mère avait terminé...

"Je vous remercie, mère"

Elle éclate d'un petit rire léger

"Veuillez m'excuser, mais après toutes ces années, comme ce mot sonne étrangement à mes oreilles"

Elle s'étendit, sur l'herbe, les mains posées derrière la nuque et les jambes légèrement croisées, le regard perdu dans le ciel et les nuages qui passaient.

"Je crois que nous n'avons donc plus qu'à attendre le retour de la joyeuse petite bande maintenant"

Le ciel était étrange, à la fois plus profond et plus cristallin que celui de l'endroit ou elle venait, endroit qu'il lui fallait désormais appeler l'Ombre-terre si elle avait bien suivi. Elle se détendit laissant son corps profiter de la douceur ambiante, bercé par le champs des oiseaux. Mais son esprit était toujours en éveil. Elle continuait à faire le point sur ce qu'elle avait appris, recroisant les dires de sa mère, les souvenirs des contes de Magus. Elle reconstruisait l'arbre généalogique de la famille, associant les portraits des cartes et les noms de ses parents (ceux qu'on avait bien voulu lui révéler en tous cas). Elle rassemblait les brides d'information qu'elle avait sur le caractère de chacun et les alliances passées ou en cours. Dieu, comme c'était incomplet, mais au moins elle avait enfin une base de travail.

Elle ferma les yeux, laissant le soleil chauffer doucement son visage.

Elle mis de coté son origine paternelle obscure pour se concentrer sur ce qui l'attendait. Elle avait le sentiment que maintenant que l'écheveau commençait à se démêler, la solution se présenterai d'elle-même. Et puis, elle avait enfin une personne à interroger sur le sujet. Même si sa mère ne voulait pas lui répondre pour l'instant, elle saurait bien de quel coté commencer l'enquête.

Elle fit aussi le point sur les pouvoirs dont semblait disposer sa famille, celui de parler à travers les atouts, l'art de la taromancie, et surtout bien entendu celui de se déplacer à travers les ombres. Sans parler de l'endurance physique et morale qu'elle savait déjà siennes, il lui semblait également avoir vu Ellipse et sa mère utiliser leurs puissance à d'autres choses plus intangibles. Il faudrait qu'elle surveille attentivement sa cousine afin d'explorer ces possibilités.

Elle sentit l'excitation qui croissait en elle. Enfin, le début de l'aventure, la réalisation de sa vraie vie. Elle songea sans nostalgie à son appartement à los Angeles, à part son sabre et quelques souvenirs rassemblés au fil du temps et des voyages, elle ne laissait pas grand chose, ni grand monde derrière-elle. L'intéressant, c'était l'avenir et il s'ouvrait enfin devant elle.

Selene ouvrit les yeux, pensive....

La question de sa mère l'avait surprise. Regretter son ancienne vie ? Mais laquelle ? Certes en ce siècle passé sur terre, elle avait fait mille rencontres intéressantes, vécu mille aventures trépidantes. Mais tout ceci n'était rien à coté de ce qui l'attendait, elle le sentait. Elle ne regrettait rien, depuis qu'elle avait quitté sa taverne au fin fond de la campagne londonienne, le chemin avait été palpitant, elle avait rencontré bon nombre de combattants et de stratèges, mettant sans cesse à l'épreuve et affinant l'héritage qui lui avait transmis Leto. Elle avait croisé des savants illustres et assisté à des découvertes clés. Elle avait aussi eu de nombreux amants sages ou passionnés. Elle aimait la vie qu'elle avait menée de ses petits plaisirs à ses grandes séparations. Elle avait discuté de l'importance de l'inconscient avec Freud, assisté à la conférence de Marie Currie à l'institut du Radium, croisé Mac Arthur aux Philippines. Chaque découverte avivant sa curiosité naturelle et sa soif d'apprendre. A chaque fois, elle sentait qu'il y avait derrière cela autre chose à découvrir. Quelque chose de beaucoup plus fondamental.

Aussi répondit-elle à sa mère avec honnêteté.

"J'ai appris depuis le temps à ne rien regretter, à ne pas m'attacher aux personnes que je voyais vieillir et disparaitre, à toujours être prête pour la nouveauté et l'aventure."

Elle se leva sur un coude, portant son regard sur celui de son interlocutrice. Le soleil faisait ressortir les reflets rouges de ses cheveux.

"Certes c'était amusant de jouer les gardes du corps pour un milliardaire américain, de danser pour le sultan d'Oman ou de se retrouver actrice à Hollywood. Il faudra d'ailleurs que je me procure un exemplaire du film de Peter un de ces quatre. Mais j'ai toujours senti qu'il me manquait quelque chose. Je n'appartenait pas à ce monde. Je n'étais pas comme les autres. Après tout vous m'offrez maintenant un terrain de jeu bien plus étendu et passionnant. J'espère que je saurai me montrer à la hauteur. conclut-elle avec un sourire.

Puis interprétant la question de sa mère d'un point de vue plus matériel.
"Non, Keiko mise à part, je n'avais sur Terre que des relations et des babioles sans importance. Il faut dire que vous m'avez laissé très peu de temps pour faire mes valises et mes adieux. Ajouta-t-elle en riant. Si toutefois vous connaissez un moyen de retrouver ma lame, où tout au moins de vous assurer de sa sécurité jusqu'à ce que je sois en mesure d'aller la chercher moi-même je vous en serai reconnaissante."

Elle se rallongea et se replongea dans la contemplation du jeu du soleil et du vent dans la cime des arbres entourant la clairière.

"Non... Je ne regrette rien..."