Selene d'Ambre

Il fait nuit. La pluie frappe la devanture avec violence. L'atmosphère du pub est chaude, lourde et enfumée mais dehors, comme souvent à Londres, le ciel noir se déchaine. La jeune femme accoudée parait rêver, plongé sans ses pensées. Elle sirote sans le regarder une verre de whisky bon marché. Sous son long manteau noir et usé, on aperçoit les strass et breloques ternies d'un costume de danseuse. Elle soupire et plonge les yeux dans le liquide ambré.
Son maquillage est trop chargé, pourtant il mets en valeur ses yeux d'un bleu profond et ses lèvres finement dessinées. Son teint est clair, pâle dans la lumière ambrée des lampes à pétrole. Sous ses habits avachis, on la devine jolie quoiqu'un peu trop fine. Elle croise les jambes, le manteau s'entrouvre sur des bas résilles bon marché.

Elle soupire, sort de sa poche quelques shillings qu'elle jette sur le bar et sort en faisant tinter le carillon. A peine la porte aux vitraux colorés s'est elle refermée qu'elle est trempée jusqu'à l'os. Ses cheveux auburn mi-longs dégoulinent dans l'encolure de son manteau, elle frisonne et lâche d'une voix légèrement éraillée

"Décidément ce n'est pas un bon soir pour les affaires"

Elle presse la pas dans la rue déserte, évite de justesse les roues d'une voiture tirée par un cheval noir qui surgit du brouillard. Elle la regarde d'éloigner et disparaitre avant d'essayer de trouver refuge sous une porte cochère.
Un homme sorti de la maison voisine l'aborde, caché sous une grande cape de pluie et un haut de forme usé. Ils échangent quelques phrases de circonstance. Elle rit, mais son rire est forcé et vide. Elle accepte de le suivre dans une petite ruelle sombre et déserte. On la devine tendue.

Quelques instants plus tard, l'inconnu sort de la ruelle et disparait dans la brouillard. Son pas pressé résonne quelques instants. L'eau qui s'écoule du caniveau de la ruelle vire au rosé puis au rouge pâle. Le long d'un mur, la jeune femme est affalée, son manteau est ouvert, ce qu'il reste de son ancienne tenue, rouge, beaucoup trop courte et lacérée ne couvre pas grand chose. Un couteau au manche d'ivoire brille dans son sein. La caméra fait un dernier passage sur ses yeux vitreux.

"COUPEZ ! On garde, Eillen, ma chérie, tu es magnifique comme d'habitude !"

Selene, ferme les yeux. Quand elle les rouvre quelques instants plus tard, ils ont retrouvé leur pétillant naturel. Elle secoue la tête, le changement est brusque. Elle se remet les idées en place, Etats-Unis, Hollywood, 2010. Jack est loin derrière, dans la fosse commune depuis des décennies. Elle se demande encore une fois ce que penserai le réalisateur Peter, s'il savait qu'elle a réellement connu le célèbre éventreur londonien. Elle étouffe un petit rire intérieur, attrape la serviette que lui tend l'assistant et se retire sans un mot dans sa loge.

Elle observe le visage que lui renvoie le miroir, toujours aussi lisse, écarquillé par ses yeux légèrement trop grands. Elle attrape une lingette et enlève le mascara et les fards coulés par la pluie artificielle du plateau.
Ce visage dont elle connait si bien les traits mais qui demeure une énigme.
"Mais qui suis-je ?" Comme d'habitude, la question est aussitôt suivie d'une autre, encore plus cruciale "Mais que suis-je ?"

Elle se souvient de son enfance, dans un endroit idyllique et mystérieux appelé Haeden. Malgré de nombreuses recherches au cours de ces longues, très longues années, elle n'a jamais réussi à retrouver Haeden sur une carte, et encore moins à y remettre les pieds. Pas de parents, pas de famille connue, si l'on écarte les quelques visites d'un énigmatique "oncle". Pourtant des jours heureux et beaucoup, beaucoup d'affection.

Le manoir était petit, simplement meublé sans doute, mais confortable. C'était surtout un havre de paix où elle avait pu grandir en toute sérénité entourée de ces deux précepteurs, Leto, un vétéran versé dans les arts de la guerre, qui lui enseignait les arts martiaux, l'escrime et la stratégie et Magus qui tempêtait dans sa barbe en tentant de l'intéresser à l'histoire, aux lettres, aux mathématiques et à l'art.

L'éducation que lui apportaient tour à tour le vieux sage bourru et le soldat solitaire était poussée et complète. Ils faisaient d'elle une véritable jeune fille de bonne famille. Elle avait peu de contacts avec les habitants du village voisin, de simples agriculteurs. Elle s'était pourtant liée d'amitié avec Aelin, la petite orpheline qui vivait dans le vieux moulin. Ensemble elles exploraient les environs, grimpant aux arbres et courant à travers les champs. Une échappatoire bienvenue entre ces heures studieuses.

De temps en temps, un étrange homme, en costume d'apparat venait voir ses précepteurs. Il lui parlait peu. Elle devait l'appeler "Mon Oncle", Leto et Magus lui disaient "Mon Prince". Elle ne pu jamais leur arracher quelque information que ca fut à son sujet. Ses visites étaient brèves, il montait une magnifique cheval sombre.

En dehors des séances d'escrime qu'elle adorait, Selene se souvenait avec émotions des contes narrés par Magus lors des soirées au coin du feu.
Ces aventures étranges se déroulaient toutes au Royaume d'Ambre, le seul monde substantiel, dont tous les autres n'étaient que le reflet, l'Ombre. "Même notre monde à nous ?" interrompait la petite fille curieuse. "Oui, même Haeden, petite princesse" répondait le vieil homme de sa voix grave. Dans ce monde, princes et princesses, enfant d'Oberon se battaient et intriguaient pour accéder au Trône de leur défunt père. Une étrange marelle leur donnait le pouvoir d'aller et venir à travers les monde. Selene, fascinée par les histoires de cette famille hors du commun l'écoutait religieusement, se demandant qu'elle effet cela pouvait faire de naviguer ainsi d'univers en univers... Elle s'endormait bercée par ces contes et légendes, rêvant qu'un jour ils deviennent réalité.

Ainsi s'écoulait la vie en Haeden, paisible, chaque jour identique au précédent, jusqu'à ce que...

Elle avait été réveillée par les cris de Leto. L'alarme résonnait dans la cour du manoir, signalant un incendie dans les environs. De sa fenêtre elle se pencha pour voir au dehors. Au premier abord elle ne vit rien d'anormal, puis une explosion et le vieux moulin éclata dans un déluge de flammes.

"Aelin !" Toute les pensées de la jeune fille allèrent vers son amie. Était-elle au moulin ? Avait-elle pu s'en échapper ?

Son attention fut aussitôt accaparée par le fracas caractéristique des armes. Elle distingua Leto qui dans la cours, se battait avec une dizaine de silhouettes sombres. La jeune fille les observa quelques instants, les formes lui semblaient trop grandes pour être humaines, les gris et les grognements qui leur échappaient lui glaçaient le sang. Malgré sa maitrise des armes, Leto qui avait déjà envoyé trois de ses agresseurs au tapis semblait faiblir. Selene attrapa sa robe de chambre et pris l'escalier menant à l'entrée principale. Elle fût arrêtée en chemin par Magus qui l'obligea à passer par une porte dérobée. Aucune de ses protestations, de ses craintes pour son maître d'arme ou son amie ne firent fléchir le vieil homme. "Ils viennent pour toi et rien que pour toi. Il faut fuir ma Princesse". Comme ce petit titre d'affection lui paru solennel cette fois. Le vieil homme la serra une dernière fois dans ses bras avant de la pousser et de refermer la cache. La laissant seule dans le noir.

Elle entendit avec effroi la porte d'entrée céder et la voix de Magus commencer à incanter. Le panneau qui la séparait du combat ne pouvait s'ouvrir de son coté et la mort dans l'âme Selene se résolut à écouter les conseil de son vieux maître. A tâtons, elle s'enfonça dans le boyau sinueux.

Elle surgit à l'air libre quelques centaines de mètres plus loin, les genoux et les mains écorchés mais sauve. En catimini, elle se dirigea vers le manoir. Il lui fallait savoir ce qui se passait là-bas.
Elle avait à peine fait trois pas qu'une ombre immense surgit sur le chemin et l'attrapa par la taille. Elle se retrouva hissée sur un cheval, filant à travers la forêt. Elle se débattit jusqu'à entendre la voix de son protecteur "Tais-toi, nous devons fuir pendant qu'il est encore temps". Elle reconnu la voix de son "Oncle" et se figea stupéfaite. Elle leva les yeux. C'était la première fois qu'elle le voyait d'aussi près. Sa main était chaude contre sa taille. Ses traits sévères mais bien dessinés.

La jeune fille fût tirée de sa contemplation par un hurlement sinistre. Cinq immenses bêtes se dressaient sur leur route. Elles étaient noires, leurs yeux rouges luisaient, on aurait dit des loups mais elles se tenaient debout sur trois pattes et levaient vers eux deux bras puissants et garnis de griffes impressionnantes.

Elle sentit le cheval se rassembler et dans un bond prodigieux il sauta par-dessus leurs agresseurs. Un concert de hurlement retentit dans les bois quand ils se lancèrent à leur poursuite. Mais le cavalier filait à travers les arbres. Et bientôt les aboiements et les cris de courses s'estompèrent.

"Et Leto ? et Magus ?" osa-t-elle enfin demander à son mystérieux sauveur. "Ils importent peu... et maintenant tais-toi, nous avons de la route à faire." Il l'installa contre lui et fit ralentir son cheval. Malgré leur poursuite effrénée la bête semblait fraiche et obéit promptement. Le cavalier portait une étrange cote de maille et Selene eut du mal à trouver une position confortable.

Tandis qu'il cheminait en silence, elle regardait le paysage, essayant en vain de se situer. Les bois qu'ils traversaient ne lui étaient en rien familiers. Ils devaient déjà se trouver bien loin du manoir. Elle aperçut même quelques essences d'arbres qu'elle ne pu reconnaitre. Puis l'herbe au bord du chemin vira au bleu et au violet. Elle leva les yeux vers son sauveur, mais il gardait la mâchoires serrée et le regard fixé droit devant. Les changements ne paraissaient pas l'inquiéter.

Elle vit stupéfaite une souris d'un mètre au garrot poursuivre un chat à travers les arbres. Puis le ciel s'assombrit et se chargea de nuages. Les arbres s'espacèrent et firent place à des champs jaunes et lourds de blés. La pluie se mit à tomber, noire et drue sur les fugitifs. Le cheval ralentit encore et passa au pas. Ils entrèrent dans un village et s'arrêtèrent devant une auberge dont l'enseigne, un corbeau noir, grinçait avec le vent.

Son Oncle la fit entrer et la poussa vers la matrone qui somnolait derrière le comptoir. Celle-ci se redressa devant les visiteurs.
"Je te laisse ici, il faut que je continue au cas où ils nous suivraient. Et.... je suis attendu ailleurs."

Sans lui laisser le temps de répliquer, il lui glissa dans la main une étrange carte de tarot puis il sortit, enfourcha son destrier et disparut dans la nuit.

La carte représentait une jeune femme au sourire inquiet. Elle portait une lourde robe médiévale aux tons bleus profond. et au col plongeant. Ses longs cheveux d'un blond platine lui tombaient jusqu'au milieu du dos. Nonchalamment appuyée sur une tenture mauve, elle semblait inviter du regard. Au dos figurait une licorne sur champ herbeux, rampante, tournée vers la dextre.

C'est ainsi que Selene se retrouva à Cardiff, nous étions en 1876. La jeune fille resta auprès de Martha, travaillant dans l'auberge quelques années. La matrone ne lui demanda jamais rien. Mais elle ne pu non plus lui donner aucune information ni aucun renseignement sur son "Oncle". "Je lui dois bien ça" fut tout ce qu'elle consentit à lui répondre.

Quand son hôtesse mourut, frappée par une pneumonie. Selene pris l'argent de la petite réserve secrète de sa patronne, rassembla ses maigres effets, sella un cheval et partit à travers l'Angleterre, poussée par un sentiment de crainte qu'elle ne pouvait comprendre. Elle vécu ainsi longtemps, exerçant de petits boulots, changeant souvent d'habit, d'apparence, de voix, d'attitude et de nom. Son instinct la poussait sans cesse à fuir, à se cacher. Cependant, quand elle était trop démunie, une opportunité semblait toujours s'ouvrir à elle et l'amener à un avenir plus souriant. Comme si une force inconnue veillait sur elle.

Elle se rendit vite compte qu'elle ne vieillissait pas au même rythme que les gens qui croisaient sa route. Elle les voyait grandir, puis se faner et mourir autour d'elle. Cacher sa jeunesse qui s'éternisait devint pour elle une nouvelle raison d'errer sur les chemins. Aujourd'hui, elle sait qu'elle parait âgée d'à peine plus de 30 années alors que cela fait plus d'un siècle qu'elle arpente le monde.

Elle continua à s'entrainer à l'épée, puis à l'arme à feu quand celle-ci se popularisa devint experte dans l'art de se cacher et de modifier son apparence. Pourtant jamais elle n'interrompit sa fuite. Elle avait le sentiment constant et ambigu d'être épié par une âme bienveillante et chassée par une volonté sombre.

Les années sont passées mais ne lui ont apporté que peu de réponses. Elle avait été dans l'impossibilité de retrouver Haeden, ou tout autre lieu pouvant y ressembler ou s'y approcher. Ce lieu semblait être sortit uniquement de son imagination. Et depuis cette étrange nuit, elle n'a plus jamais revu cet Oncle mystérieux.

Un autre mystère hante ses rêves, cette femme aperçue à plusieurs reprise, à Paris en 1920, puis à New-York en 1953 et enfin en Californie 24 années plus tard. Dès le premier regard, Selene s'est arrêtée frappée par son visage, ses yeux d'un bleu cristallin, ses cheveux à la teinte changeante et étrange. Elle non plus ne paraissait pas subir les effet du temps. C'est après leur première rencontre qu'elle l'a reconnue. C'était la dame de la carte. Cette carte qu'elle avait passé des heures à toucher et à observer. Ce vestige de son passé qui ne l'avait jamais quitté. Quand à la femme qu'elle représentait, jamais Selene n'eut réellement l'occasion de lui parler ou de l'approcher. Il s'agissait à chaque fois de rencontres furtives, d'échanges de regards à un carrefour ou à travers la foule. Quand la jeune fille essayait de l'abordait ou de la suivre, l'inconnue disparaissait au détour d'une rue ou d'une maison. Jamais non plus elle ne réussit à identifier le mystérieux blason qui ornait le dos de la carte. Il n'apparaissait dans aucun des nombreux livres héraldiques qu'elle eut l'occasion de consulter.

Ce soir, obéissant à une intuition, Selene tire la carte de son petit sac à main et la place face à elle, la regardant encore une fois. Elle s'abime dans la contemplation et la rêverie quand soudain la dame en vert sembla s'animer. Une voix lui parvint comme à travers des brumes "Ma fille, il est temps. Tu vas devoir t'éveiller. J'ai besoin de toi".

Puis le silence. La carte devient glacée entre ses doigt et Selene effrayée mais surtout intriguée la repose doucement sur la table.

Ma fille ? ...

*éditée par le Conteur (modification du titre uniquement)

Parfait parfait, très bien écrit et complet. ^^

Juste quelques détails :
- Qui est ta mère ? As tu en vu une princesse d'Ambre précise ? La description ne me semble correspondre à aucune, je crois que Flora est bonde. Ceci dit elle a bien pu se colorer les cheveux.
- Quel rang veux tu ? Deux ou trois mots caractérisant ton personnage qui s'afficheront sous ton nom.
- Ce serait bien que tu fasses une description de ton monde de naissance ici, mais il n'y a pas d'urgence.
- Il te manque un avatar.

- La mère de Selene est bien Flora, On a eu une longue discussion ce matin au petit déjeuner sur "d'une couleur à mi-chemin entre les nuages au coucher du soleil et la flamme d'une bougie dans une pièce obscure" pour finir par trancher sur un blond avec des reflets roux ^^ (back corrigé dans ce sens)

- Pour le titre, je n'ai pas encore assez de recul, peut-être "A la recherche d'une identité" ?

- La description est prévue, y'a pas de soucis ^^, pareil pour l'avatar, je cherche encore !

pour info voici la carte que nous allons utiliser pour Flora,si tu peux modifier ta description en conséquence, merci


pour son avatar j'en ai un paquet en réserve, quel sont ses couleurs favorites,la couleur naturelle de ses cheveux?

Avatar trouvé et carte modifiée ^^

Superbe avatar, j'aime beaucoup et ça correspond bien je trouve.
Pour le rang, pas grave si tu ne sais pas quoi mettre. Tu me diras quand tu auras trouvé.
Fiche validée pour ma part, je n'ai plus rien à dire. On va pouvoir commencer la première campagne si Conteur valide aussi !

pour ce qui est de commencer la campagne je crois qu'un joueur supplémentaire arrivant rapidement serait utile... tu as quelqu'undans tes contacts qui serait intéressé Fanny?
a moins que l'on attends ta sortie de maternité Perrine? tu es à terme non?